L'article de Patrick Chabert, président de l'Institut International de Caféologie dans le Blog de la BAD:


Le café est une boisson universelle, à l’impact économique considérable. C’est la première matière agricole échangée dans le monde en termes de valeur et la deuxième matière première également en valeur, après le pétrole. La consommation mondiale de café se mesure en sacs. Elle représente actuellement 140 millions de sacs et devrait atteindre les 175 millions de sacs en 2020. D’ici là, il faudra donc produire 35 millions de sacs supplémentaires, dont la plupart seront composés de café robusta.

En effet, c’est le café robusta qu’on utilise majoritairement dans la fabrication du café lyophilisé, dont la demande explose en Asie. L’Afrique de l’Ouest, grand producteur de robusta (100 000 tonnes par an rien qu’en Côte d’Ivoire), a donc l’opportunité de se positionner en force sur ce marché, voire de s’y imposer en leader. La région pourrait, grâce à ce produit d’exportation, enfin profiter de la forte croissance asiatique – chinoise en particulier. Pour ce faire, il lui faut au préalable adapter son secteur du café à la hauteur des enjeux agro-industriels et environnementaux dans ce domaine.

Le marché du café est comparable à un iceberg. La partie visible, c’est le café que l’on consomme tous les jours. C’est ce produit final qui suscite l’intérêt des investisseurs. Mais ces derniers ignorent que c’est dans la partie immergée que se concentre l’essentiel de l’activité et des opportunités. Dans sa partie non visible, le café est, en effet, une filière complexe, dans laquelle les producteurs interagissent avec une diversité d’acteurs, issus de la recherche scientifique, du négoce et des industries connexes (énergie, pharmacie, cosmétique, agroalimentaire, textile). La méconnaissance de cette organisation en filières explique en grande partie certains échecs agro-industriels, notamment dans les pays en développement.

 

D’une manière générale, le diagnostic des filières du café en Afrique révèle qu’elles sont inadaptées au mode de production en vigueur ailleurs dans le monde. Les volumes de production sont faibles le plus souvent et le niveau de productivité insuffisant, faute de mécanisation de l’appareil productif. Les opérations de traitement et de transformation sont quasi-inexistantes. Mal renseignés sur les opportunités de commercialisation, les producteurs coopèrent peu entre eux en matière de partage d’informations sur les prix et les fournisseurs. L’absence de promotion commerciale auprès des acheteurs internationaux entraîne un problème de notoriété. Enfin, les filières sont incomplètes la plupart du temps, dans la mesure où les déchets engendrés aux différents stades du processus de production ne sont pas valorisés.

En tant que filière agricole, le café entretient un lien étroit avec l’environnement, sur lequel la production peut, dans certaines conditions, avoir un impact néfaste. S’ils ne sont pas traités efficacement, les bio-déchets de café émettent du CO2 et du méthane, deux gaz à effet de serre. Aujourd’hui, les résidus du traitement du café (pulpe, peau) sont brûlés ou rejetés dans les rivières. En Afrique de l’Ouest, le déversement des déchets dans des décharges sauvages reste la principale manière dont est envisagé leur « traitement ». La collecte et la valorisation sont le plus souvent prises en charge par le secteur informel, qui, outre ses moyens dérisoires, n'a aucune compétence en la matière. Le recyclage est donc marginal et, contrairement au but qui devrait être le sien, le café met finalement en péril la santé des populations.

Le développement de la filière café implique donc de créer un modèle qui concilie développement économique et limitation de l’impact environnemental négatif, selon un principe d’économie circulaire. L’économie circulaire du café permet, à chaque étape de production, de réutiliser les composantes obtenues – déchets compris –, pour créer des matières valorisées de nouveau consommables. Cet objectif peut être atteint à travers trois activités au moins : la valorisation de la matière, à travers la création de matières premières secondaires ; la valorisation énergétique, à travers la création d’énergie électrique ou thermique ; la valorisation biologique, à travers la création de compost et de composants bioactifs. Cette conception circulaire de l’exploitation de la ressource café s’oppose à l’exploitation non contrôlée qui prévaut jusqu’à présent.

Le secteur du café en Afrique de l’Ouest est à un carrefour important. Dans un contexte de croissance de la demande mondiale, dopée notamment par la demande asiatique, il a, aujourd’hui, l’opportunité, de constituer son potentiel productif. Cet enjeu s’inscrit dans les dynamiques de diversification des économies d’Afrique de l’Ouest en faveur de l’agrobusiness, qui permettra à la région d’asseoir sa croissance sur des bases de plus en plus solides.